J'ai passé la journée en tournage avec les Dehouf. A l'abbaye Royale
de Châalis (Somme). Il fait entre 1° et -1°C, et les extrémités sont à la peine. La journée fut très
riche et immobile à la fois. Je fus autant visiteur qu'observateur, au
milieu d'un domaine immense, propriété de l'Institut de France, qui
héberge des Giotto et des commodes Boule sans prix dans des salles
glaciales immenses. Actuellement au repos hivernal, nous les visitons
entre les prises, dans l'ombre réfrigérée d'un lieu habité par un temps
arrêté.
Les prises s'enchaînent, sous les ordres hypnotiques du
premier assistant qui régit un groupe très vivace et organisé malgré le
froid. Les textes sont dit, redits, puis refaits en
plan serré, puis refait de l'autre côté de la pièce avec les vis-à-vis,
avec déménagement de l'ensemble du dispositif (caméra plus lumière)
qu'il faut bien sur entièrement régler une nouvelle fois aux nouveaux
paramètres. Un boulot de malade, comme pour une fiction.
Là c'est une bougie qu'il faut rallumer, un raccord
maquillage à refaire, un tee-shirt gris qui dépasse sous le jabot, une
carte qui n'est pas retournée assez vite ou une pièce du jeu d'échec
qui ne tombe pas de la coiffure au bon moment. La encore ce sont des
avions qui passent au-dessus du château et que l'ingé-son capte avec
les oreilles d'un perchman héroïque (quoique le seul à ne pas avoir
froid dans l'histoire).
Les nuques féminines sont nues, comme
les décolletés, et de temps en temps, il faut les bâcher sous des
couvertures polaires si on veut leur éviter l'ITT. Mais avec une
régularité de moine, l'équipe engrange les plans sous les commentaires rares et précis du réalisateur.
Des pompiers viennent, enfumer un nid de guêpes dans les loges, pendant qu'on refait les coiffures et on rajuste les vertugadins en commentant abondamment les moeurs des pauvres gens qui à l'époque devaient s'apprêter ainsi. A la pause de midi, on en profite même pour fêter un anniversaire.
Dans une galerie gigantesque, les accessoiristes fourbissent leur attirail, pendant que le responsable de sécurité du château poursuit les intermittents irrespectueux qui fument dans l'enceinte. Toutes les 5 mn, on entend le premier assistant qui met fin aux aller et venues par un ordre rapide dans le talkie-walkie. On se tait alors un peu plus, en attendant la prise doublée pour bouger un membre.
Alors que St Hubert a des visions vespérales (ou St Eustache, il parait qu'ils ont la même histoire), on remballe les perruques et les polaires, et on file se faire démaquiller.
Journée trés vivante et pleine de labeur des autres. Mention spéciale à une attachée de presse étourdie qui est partie avec le téléphone du régisseur adjoint, et s'en est aperçu Porte de la Chapelle, lui plombant sa soirée.
Plus de photos sur l'album photo "Under Marquis / Marquises" et le moblog Dehouf.
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